Signatures électroniques qualifiées

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En Suisse, malgré une digitalisation croissante, les signatures électroniques font encore office de parent pauvre. Mais dans les faits, une signature électronique qualifiée c'est quoi? Quels en sont les avantages et quels usages peut-on en faire? Apprenez-en plus sur les principales caractéristiques de ces signatures ainsi que sur leurs avantages juridiques et pratiques. 

 

Contexte réglementaire des signatures électroniques qualifiées

Les signatures électroniques qualifiées sont régies par la loi fédérale sur la signature électronique (SCSE), qui prévoit que le processus de délivrance des certificats requiert une identification préalable auprès de l’organe d'enregistrement d’un fournisseur de services de certification [1].

Jusqu’à récemment, le législateur imposait la présence physique de la personne pour qu’une identification soit conforme à la loi, mais, depuis le 15 mars 2022, l’Office fédéral de la communication (OFCOM) facilite l’accès à l’identification vidéo. Cette possibilité d’identification était réservée jusqu’ici à l’industrie financière soumise à la LBA.

Selon la loi, la création de signatures électroniques qualifiées présuppose en outre l’utilisation d’un dispositif sécurisé de création de signature (c.-à-d. un logiciel vérifié) et de clés dites de signature.

Une fois l'identification réussie, le futur utilisateur d’une signature électronique qualifiée reçoit de la part du fournisseur de service de certification les informations lui permettant d'accéder au dispositif de création de signature (données de connexion à des solutions basées sur le web, applications, etc.). Des solutions alternatives, basées sur des clés USB ou des cartes mémoire, n'ont pas réussi à s'imposer et ont été retirées du marché.

La clé de signature doit absolument être conservée en sécurité, car toute personne y ayant accès peut émettre des déclarations juridiquement contraignantes pour son titulaire. S’il suffisait auparavant de placer la clé USB contenant la clé signature dans un endroit verrouillé, il est aujourd’hui exigé que les données de connexion et les possibilités d’accès au dispositif d’authentification soient conservées en toute sécurité.

Pour signer des documents, il faut les télécharger au format PDF dans des applications prévues à cet effet (LocalSigner, Adobe, etc.).
La Confédération met à disposition un système très facile à utiliser pour vérifier la validité de signatures électroniques qualifiées: il suffit de télécharger les documents PDF signés au moyen d’une signature électronique qualifiée dans le validateur www.validator.ch. Le résultat de la vérification est communiqué instantanément.

 

Classification en droit civil et prescriptions juridiques pour les signatures électroniques qualifiées

La signature électronique qualifiée est assimilée à la signature manuscrite [2]. Elle est donc une solution adaptée pour remplacer la signature manuscrite, dans la mesure où i) la loi impose la forme écrite simple ou ii) qu’elle a été convenue entre les parties au contrat.

La loi impose la forme écrite simple, par exemple, pour la cession de créances [3], dans le droit du bail [4], dans le droit des sociétés [5] ou pour des leasings [6]. Le droit des poursuites pour dettes et des faillites autorise la mainlevée provisoire d’une créance fondée sur une reconnaissance de dette écrite [7].

En plus de la forme écrite prescrite par la loi, les parties au contrat peuvent également convenir d'une forme écrite volontaire pour les adaptations ou les ajouts au contrat [8].

Par conséquent, que la forme écrite soit dictée par la loi ou par un contrat, seule la signature électronique qualifiée répond aux exigences de la forme écrite électronique. Si les prescriptions formelles ne sont pas respectées, le contrat n'est pas valablement conclu et n’a aucun effet juridique.

Dans le même temps, cela signifie également que si une forme plus qualifiée est exigée, un acte authentique par exemple, la seule signature électronique qualifiée ne suffit pas, étant donné qu’elle ne répond qu’aux prescriptions de la forme écrite simple.

La prudence est de mise dans les relations internationales, car si techniquement la signature électronique qualifiée au sens de la SCSE est calquée sur la réglementation européenne eIDAS, il est impossible de l’utiliser à l’étranger avec les mêmes effets juridiques par faute de reconnaissance internationale. Une signature électronique qualifiée suisse au sens de la SCSE ne répond à ce titre à aucune prescription formelle étrangère.

 

Utilisation des signatures électroniques qualifiées à d’autres fins

Outre les utilisations prescrites par la loi, les parties au commerce électronique pourraient réclamer à des fins de preuve que la signature électronique qualifiée soit imposée pour les déclarations de volonté. Selon la loi [9], les signatures électroniques remplissent toujours deux objectifs de protection: elles permettent l’intégrité des données et établissent l’authenticité.

L'intégrité des données signifie que toute modification du contenu d'une déclaration serait identifiée. En d'autres termes, une signature électronique permet d'apporter la preuve juridique suffisante que le contenu d'un document PDF, par exemple, n'a pas été modifié.

La notion d'authenticité permet d'établir qui sont les auteurs du contenu d'une déclaration.

Par conséquent, l'utilisation de la signature électronique qualifiée permet de prouver facilement qui est l’auteur de quelle déclaration. En revanche, les autres preuves électroniques n'offrent qu'une valeur ajoutée/probante très réduite en raison des nombreuses possibilités de manipulation.

 

Pourquoi la signature électronique qualifiée ne s’est-elle pas imposée par le passé et cela va-t-il changer?

Malgré les avantages présentés, la signature électronique qualifiée ne s’est pas encore imposée en Suisse. Cela tient principalement à la complexité du processus d'obtention de cette signature et à la lourdeur de son utilisation, mais également aux coûts. Cependant, la situation est susceptible de s’améliorer pour les raisons suivantes:

Outre la simplification du processus d'identification déjà mentionnée, il convient de se référer aux travaux menés par l'Office fédéral de la justice pour établir, dans un avenir proche, une nouvelle édition de la loi fédérale sur les services d'identification électronique (loi e-ID) [10]. L'avant-projet de LeID prévoit également qu’une e-ID permettrait de dispenser la personne devant être identifiée de l’obligation de se présenter en personne pour obtenir une signature électronique qualifiée [11]. Par conséquent, l’arrivée d’une e-ID sur le marché développerait l’utilisation des signatures électroniques qualifiées.

On peut également supposer que les utilisateurs de précédentes solutions matérielles (clés USB et cartes) seraient favorables à leur remplacement par des dispositifs de création de signature basés sur le web ou sur des applications.

En résumé, il est donc légitime d'espérer que, dans un avenir proche, l’utilisation des signatures électroniques qualifiées sera plus largement répandue en Suisse. Il convient de se pencher dès aujourd'hui sur les particularités techniques, mais également sur les exigences pratiques et juridiques afin d'être prêt pour cette nouvelle étape de digitalisation.

 


 

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[1] La Suisse dénombre actuellement quatre fournisseurs de services de certification reconnus: Swisscom (Suisse) SA, QuoVadis Trustlink Schweiz AG, SwissSign AG et l’Office fédéral de l’informatique et de la télécommunication OFIT
[2] art. 14, al. 2bis CO
[3] art. 165, al. 1 CO: «La cession n’est valable que si elle a été constatée par écrit.»
[4] art. 266l, al. 1 CO: «Le congé des baux d’habitations et de locaux commerciaux doit être donné par écrit.»
[5] art. 713, al. 2 CO: «Elles [les décisions du conseil d’administration] peuvent aussi être prises en la forme d’une approbation donnée par écrit à une proposition, [...].»
[6] art. 11, al. 1 Loi fédérale sur le crédit à la consommation, LCC: «Le contrat de leasing est conclu par écrit; [...].»
[7] art. 82 LP
[8] art. 16, al. 2 CO renvoie au droit de la forme prescrite par la loi, soit à nouveau l'art.  14, al. 2bis CO.
[9] Description laborieuse dans l’art. 2 de la loi fédérale sur la signature électronique, SCSE
[10] e-ID étatique (admin.ch)
[11] art. 9, al. 4bis SCSE (in avant-projet LeID)

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